Mon Epoux,
Ne t'étonne pas si tu trouves le canapé totalement recouvert de papier bulle et posé au milieu du salon : c’est normal, une entreprise va passer le prendre pour le livrer chez son nouveau propriétaire car je l’ai vendu cet après-midi.
Je vois déjà tes sourcils se froncer et la colère te monter au nez mais, mon cher, laisse-moi te dire que je ne l’ai pas fait exprès.
Te souviens-tu quand tu m’as dit qu’en plus de tout gérer à la maison, l’entretien, les papiers divers et les trois nains que tu m’as faits, je devais trouver un emploi ?
Et bien, comme je ne trouvais pas le temps de travailler, j’ai trouvé un moyen de faire de l’argent rapidement sans sortir de chez soi ou presque : « LE BON COIN » !
Au passage ne cherche plus les vieilles baskets répugnantes que tu ne voulais pas jeter, un collectionneur les as achetées, à moins que ce ne soit un fermier pour faire du fumier.
Mais revenons au « BON COIN », c’est vraiment merveilleux de pouvoir enfin se faire un peu d’argent de poche en vendant les choses dont nous n’avons plus besoin !
Surtout depuis que, « à cause de la crise », tu m’as supprimé mes rares sorties avec mes amies, mon rendez-vous bisannuel chez le coiffeur et les visites chez mes parents sous prétexte que ça consomme de l’essence.
Te souviens-tu de ce très joli sac à main dont tu me demandais, très inquiet, si je ne l’avais pas payé trop cher ?
C’est ta collection de verres de bière qui l’a sponsorisé ! Je me suis dit que tu serais d' accord, toi qui ne penses jamais à mon anniversaire ou ne sais jamais quoi m'offrir !
J’ai aussi vendu la tondeuse, la perceuse, la ponceuse et le taille-haie puisque tu ne t’en approches jamais.
Tes polars sont partis comme des petits pains, ainsi que toutes les chemises que tu ne portes plus depuis que tu as tant d'embonpoint.
Enfin tu vois, je suis de nouveau « rentable » puisque j’arrive à gagner de l’argent ! Le seul hic c'est que je me suis laissée emporter et j’ai, malheureusement, aussi vendu ta chère télé (non ne cherche pas, elle n’est déjà plus là, ni ton canapé adoré).
Depuis 15 ans que je te supporte, je sais qu’à ce stade de la lecture tu fulmines et cherches ta batte de base-ball pour m'administrer « la correction méritée ». Ne la cherche pas plus loin, je l’ai vendue aussi et ne me cherche pas non plus : je suis partie avec le postier ! Un charmant Monsieur qui adore les enfants et qui a déjà demandé sa mutation pour que nous nous rapprochions de mes parents.
Je te laisse tout ce qui reste dans la maison à l'exception de l’ordinateur, dont je vais avoir besoin pour aider mes parents à se débarrasser de tout ce que tu as entassé dans leur grenier parce que le nôtre était trop petit.
Je te souhaite tout de même une très belle vie et si toutefois tu cherchais une autre bonne femme pour t’accompagner dans tes vieux jours, au « BON COIN » il y a aussi une section « petites annonces ».
Malheureusement, comme je ne suis plus là, tu devras la mettre en ligne tout seul, mais dans ma grande mansuétude et comme je sais que tu n’as pas l’habitude, je t’ai préparé un modèle :
« Gros porc, aucune hygiène personnelle, handicapé moteur (incapable de faire fonctionner un appareil électroménager), légèrement obtus et totalement macho, cherche compagne : bonne cuisinière, ménagère et économe, n’aimant ni le romantisme, ni les restaurants, encore moins les activités en dehors de la cuisine et du ménage. »
Je te souhaite bien du courage pour réapprendre à faire cuire des pâtes, trouver où ils ont planqué le supermarché dans notre village, comprendre comment fonctionne la machine à laver.
Si je n’étais déjà comblée par l’amour de mon postier, rien que l’idée de ta tête, nu devant la machine à laver, lorsque tu auras compris que cette satanée machine ne te rend pas les habits secs, pliés et repassés, me rendrait folle de joie.
Adieu ! "LE BON COIN" change la vie !...
Une femme heureuse.