Bonjour,
"Je lis certains messages très durs sur l’orthographe. Je comprends qu’on puisse aimer la langue et vouloir la défendre. Mais je voudrais apporter un témoignage, parce que derrière une faute, il y a parfois beaucoup plus qu’un manque d’attention. Il peut y avoir un trouble invisible. Moi, c’était une hypermétropie non détectée.
L’hypermétropie, c’est quand les yeux peinent à faire la mise au point de près.
Ça ne se voit pas, parce que la vision de loin est souvent correcte. Mais lire devient flou, fatiguant. Les lettres se mélangent, les lignes sautent. Pour un enfant, lire devient une souffrance silencieuse. Et quand lire est pénible, on lit peu. Et quand on lit peu, on n’intègre pas l’orthographe.
J’étais ce gamin-là.
Celui qui faisait 19 fautes sur 20 mots. Qui écrivait comme il entendait, parce qu’il n’avait jamais vu clairement les mots. On m’a pris pour un idiot, un paresseux, un cancre. J’étais juste un enfant qui n’y voyait pas bien.
Mais le pire, ce ne sont pas les fautes.
Le pire, c’est ce qu’elles provoquent : l’humiliation, la honte, le rejet. L’exclusion. Parce que dans beaucoup de milieux, faire des fautes, c’est être catalogué. C’est se voir refuser des opportunités. C’est être moqué, méprisé, rejeté. Du cp à la 6ième je n'ai pas redoublé une seule classe avec 17 de moyenne, excepté si le prof de maths comtabilisait les fautes.
Il existe une forme de racisme orthographique.
Une discrimination insidieuse, basée sur la forme des mots plutôt que sur le fond des idées. Elle frappe ceux qui ont des troubles de la vue, des troubles "dys", ceux qui n’ont pas eu les bonnes lunettes, les bons profs, les bons codes. Ceux qu’on renvoie sans cesse à leur “infériorité” intellectuelle à travers leurs fautes.
L’orthographe est une belle chose.
Mais elle ne devrait jamais servir de barrière pour rejeter, exclure, humilier. Ce n’est pas un outil de sélection. C’est un outil de communication. Et communiquer, c’est aussi écouter ce que l’autre."
Victor Hugo, comme beaucoup d’écrivains célèbres de son époque, faisait des fautes d’orthographe — et pas qu’un peu. À son époque, l'orthographe n'était pas entièrement normalisée comme aujourd'hui, mais même pour son temps, il était réputé pour son orthographe « libre ».
Ça montre bien que le génie littéraire et la maîtrise parfaite des règles orthographiques ne sont pas synonymes.
"Et puis, rappelons-le : même Victor Hugo, immense écrivain, faisait des fautes d’orthographe.
Ce n'est pas l’absence d’erreurs qui fait la richesse d’une pensée, d’un texte, d’une œuvre.
Faire des fautes n’est pas un signe d’ignorance ou de bêtise. C’est souvent le signe d’un apprentissage différent, d’une difficulté, d’une autre histoire.
Condamner quelqu'un pour ses fautes, c’est passer à côté de sa richesse humaine."